Autrefois, la ville de Londres était sillonnée par tout un réseau de rivières, utilisées pour le transport des marchandises, l’eau de boisson et de cuisine, et comme force motrice des moulins. Cependant elles servaient aussi de tout à l’égout…L’évolution urbaine a donc peu à peu recouvert ces affluents de la Tamise, par des rues, des bâtiments, des places… mais l’eau qui continue de couler en souterrain pourrait bien révolutionner les systèmes de chauffage de la capitale britannique.
L’association 10:10 Climate Action, engagée dans la lutte contre le réchauffement climatique, a étudié la question très sérieusement. Londres s’est en effet fixé un objectif Neutralité Carbone d’ici 2050. L’idée d’utiliser la géothermie des rivières souterraines de la ville a donc naturellement fait surface. C’est en plus un système très peu coûteux à l’usage, et surtout faible en consommation de carbone.
Une association porteuse de projets bas carbone
L’association 10:10 s’est tournée vers Scene, consultant en développement des énergies renouvelables, pour rédiger un rapport sur cette incroyable opportunité. Ce rapport est téléchargeable en pdf (en anglais) sur le site de l’association. Il ressort que les eaux souterraines de Londres pourrait être facilement exploitées pour chauffer et climatiser les bâtiments situés au-dessus. Cinq sites de la ville, engagés dans la rénovation énergétique, sont analysés à titre d’exemple.
Le projet a été présenté en juillet 2018 à la compagnie des eaux de la cité et au Grand Londres. L’association mettant en avant que « Les rivières perdues londoniennes ont un énorme potentiel pour fournir du chauffage propre, efficace et fiable pour la ville – contribuant à la lutte contre le changement climatique et la pollution de l’air ».
Des sites emblématiques pour montrer l’exemple
Le Palais de Buckingham a déjà mis en œuvre des opérations pour réduire ses émissions de carbone de 40%. Mais le directeur stratégique de 10:10, Leo Murray, a l’intention d’envoyer une lettre ouverte à la Reine pour que la famille royale examine l’opportunité d’exploiter la rivière Tyburn pour fournir une partie du chauffage du palais.
Autre site exposé, le collège d’Acland Burghley, au nord de Londres, qui dégage une centaine de tonnes de CO2 chaque année. Situé à proximité d’un affluent de la rivière Fleet, il pourrait bénéficier d’un chauffage efficient et beaucoup moins polluant pour ses 1000 étudiants.
Au sud de Londres, se trouve la piscine de plein air du parc de Brockwell. Non chauffée, elle reste cependant ouverte toute l’année et descend à 2 ou 3 °C. Des baigneurs téméraires n’hésitent pas à y nager pour autant ! Sous le quartier coule la rivière Effra, dont le débit représente une ressource énergétique de 3 mégawatts. Seulement un dixième de cette ressource permettrait de maintenir la piscine à une température confortable au printemps et à l’automne. Mais en prélevant un peu plus, l’eau pourrait même être chauffée à 25°C tout au long de l’année.
L’aquathermie comment ça marche ?
Le principe de géothermie appliqué aux rivières s’appelle l’aquathermie. Le fonctionnement est similaire à la géothermie: une pompe thermique plongée dans l’eau capte sa chaleur, qui peut soit être directement restituée dans une circuit de chauffage, soit transformée en électricité. Dans ce second cas, l’électricité générée alimente habituellement un circuit de refroidissement (climatisation ou chambre froide par exemple). Ainsi, selon le type d’installation, l’utilisation peut être réversible été/hiver.
Plus on plonge profondément, plus les eaux sont chaudes: jusqu’à 75°C à 2000 mètres de profondeur! C’est loin d’être le cas des rivières enfouies de Londres, mais pour un usage domestique elles sont une source d’énergie très porteuse. A la fois en terme d’économie financière et de sauvegarde de l’environnement.
En France, plus de 200.000 foyers ont déjà opté pour la géothermie pour se chauffer (ou climatiser), de même que des bailleurs sociaux ou des collectivités locales. Au Royaume-Uni, seule une chaudière géothermique collective existe dans la ville de Southampton. En revanche, une première centrale électrique géothermique de grande profondeur a été inaugurée en novembre 2018.